Santé environnementale: lettre ouverte au pdt de la République
Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République François Hollande, par Anne BARRE et Elisabeth RUFFINENGO, co-auteurs du livre:
Menace sur la santé des Femmes
La santé environnementale au cœur de la Conférence environnementale
Paris, le 25 novembre 2014,
Monsieur le Président de la République,
Vous allez ouvrir ce jeudi 27 novembre la Conférence environnementale. Cette conférence peut marquer une étape décisive dans l’élaboration des politiques publiques de notre pays, à travers une réelle prise en compte de l’impact de l’environnement sur notre santé. La crise sanitaire que nous connaissons en France et en Europe, avec une explosion des maladies chroniques, et une augmentation inquiétante de l’infertilité des couples[1] appelle une réponse globale, cohérente et forte. WECF France, antenne française du réseau d’ONG Women in Europe for a Common Future, et membre du Réseau Action Climat, participera à la table-ronde santé-environnement. Nous souhaitons dès à présent vous faire part de nos attentes sur l’engagement de la France dans ce domaine:
Prévention primaire des expositions à la source
S’il faut parler chiffres et faire appel à la raison économique, disons-le tout net : oui, protéger l’environnement et la santé est bon non seulement pour la santé des citoyens, mais aussi pour la santé économique ! L’interdiction du plomb dans l’essence ne permet-elle pas d’économiser chaque année près de 2,4 milliards de dollars de dépenses (de santé et économiques) ? Amiante, pesticides, qualité de l’air extérieur … Prévenir est toujours mieux que guérir. Au-delà, n’est-ce pas tout simplement notre devoir d’investir aujourd’hui pour la santé de demain? N’est-ce pas le meilleur gage de responsabilité envers les générations futures ? La prévention primaire et la réduction des expositions à la source doivent être une priorité de la feuille de route du gouvernement. Ceci passe par des mesures de restriction de l’usage des substances les plus préoccupantes (phtalates, formaldéhyde, bisphénols…), et aussi par un meilleur encadrement des pollutions physiques que sont les ondes électromagnétiques.
Protection renforcée des femmes enceintes, nouveau-nés et enfants
Les maladies chroniques se révèlent à l’âge adulte mais elles trouvent leur origine pendant la période fœtale. C’est pourquoi il est essentiel de protéger en priorité les femmes enceintes et les nouveau-nés. Or la situation de la santé féminine et de la santé reproductive des femmes et l’impact des facteurs environnementaux sur ces maladies est emblématique. Pour le seul cancer du sein, c’est 1 femme sur 8 qui est touchée en France, avec des coûts économiques en décès prématurés et handicaps estimés à 88 milliards de dollars/an dans le monde[2]. Ajoutons-y la progression de la puberté précoce, les malformations de l’appareil reproducteur et les troubles de la fertilité : Monsieur le Président, la santé reproductive menacée, c’est tout simplement l’espèce humaine qui est menacée. Les facteurs environnementaux, à l’instar des perturbateurs endocriniens, de substances neurotoxiques, immunotoxiques, CMR ou PBT, contribuent à cette situation, notamment à travers des expositions à un cocktail de polluants au cours de la période périnatale, identifiée comme plus vulnérable par les scientifiques. Nous attendons de la feuille de route 2015 des mesures permettant de protéger réellement et immédiatement la santé des femmes enceintes et des jeunes enfants : étendre les mesures d’étiquetage environnemental au mobilier et aux produits cosmétiques, instaurer un moratoire sur l’utilisation de nanotechnologies dans les produits alimentaires et articles de puériculture, campagne d’information nationale en direction des femmes enceintes et jeunes enfants sur les perturbateurs endocriniens présents dans les produits de consommation.
Intégrer la santé environnementale dans toutes les politiques
La santé environnementale peut être un levier pour le renouvellement des politiques publiques. Concevoir, produire et consommer autrement est possible : se tourner vers des solutions « 0 toxique » et appliquer le principe de précaution dans une logique d’action sont deux outils essentiels pour ce faire. Politiques économique, industrielle, emploi, agricole, énergétique, sont autant de champs à investir de manière cohérente et concrète. Les instruments juridiques contraignants sont un gage d’efficacité et de réaction rapide, d’autant plus nécessaires face à des pressions très fortes qui nuisent aux intérêts à long terme de la santé publique. Nous attendons des actions concrètes en ce sens, afin que la santé environnementale soit intégrée dans toutes les politiques publiques : création d’emplois dans l’agriculture durable, les circuits courts et l’économie sociale et solidaire, réduction de la dépendance aux transports routiers[3], pérennité et création d’emplois en médecine du travail avec renforcement de sa dimension environnementale.
Informer et faire participer les citoyens à la prise de décision
La politique de santé environnementale doit servir l’ensemble des citoyens par un accès à une information claire, accessible, compréhensible et une véritable transparence permettant la participation des citoyens aux prises de décision dans le domaine de l’environnement, en application de la Convention d’Aarhus. Aider les citoyens à s’emparer de ces sujets – pesticides, expositions professionnelles, qualité de l’environnement intérieur, etc. – qui les concernent directement est primordial.
Former les professionnels de santé
Enfin, les relais que sont les professionnels de santé, légitimes auprès des populations, doivent disposer d’une solide formation en santé environnementale pour remplir leurs nouvelles missions dans un environnement multi-exposé et dans un contexte où les préoccupations des publics sont concrètes et appellent des réponses fiables et personnalisées. Assurer la formation du corps médical et paramédical, par des moyens humains et financiers adéquats est un élément de succès de la future politique de santé environnementale. Nous attendons de la feuille de route qu’elle permette d’instaurer des modules de formation en santé environnementale dans toutes les formations initiales médicales et paramédicales, de financer et d’encourager la formation continue des professionnels en santé environnementale.
Nous souhaitons que ces recommandations, basées sur une pratique de terrain au contact des populations les plus vulnérables aux pollutions environnementales, reçoivent toute votre attention et débouchent sur des engagements concrets à la hauteur des enjeux que nous avons mentionnés. Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre plus haute considération.
Pour WECF France, Anne Barre, Présidente WECF France,
Elisabeth Ruffinengo, Responsable plaidoyer WECF France
[1] Rapport INSERM 2013 : 15 à 20% des couples sont touchés par des troubles de la fertilité.
[2] State of the Science on Endocrine Disrupting Chemicals 2012, UNEP/WHO.
[3] En France, la pollution aux particules fines serait à l’origine de 42.000 décès prématurés par an.En outre, la pollution aux particules fines ne s’arrête pas à un ou deux pics, mais s’étend sur des années et des années d’exposition, au bout desquelles « il y a un impact sanitaire fort », comme l’explique l’Observatoire régional pour la santé (ORS) d’Ile-de-France.
Commentaires récents