Sandrine L’Herminier : "Devenir un manager responsable, ça s’apprend!"
Une interview de notre auteur par Novethic, “le media expert de l’économie responsable”
La responsabilité sociale des entreprises (RSE) est un concept qui prend de l’ampleur, et qui pourrait donner à l’entreprise de demain un souffle nouveau en intégrant des préoccupations sociales, environnementales, et sociétales dans ses activités. Mais comment développer cette démarche et l’intégrer à la formation de nos futurs managers et dirigeants d’entreprise ? C’est la question que s’est posée Sandrine L’Herminier, ex-journaliste devenue consultante RSE auprès de grandes entreprises, dans son livre intitulé “Tu seras manager responsable mon fils”. Entretien.
Novethic : Votre livre s’appelle “Tu seras manager responsable, mon fils“1. Qu’est-ce qu’un manager responsable ?
Sandrine L’Herminier : Il n’existe pas de définition toute faite du manager responsable. Pour ma part, je considère qu’il s’agit d’un manager qui sait interagir avec son écosystème, qui sait dialoguer avec les parties prenantes de l’entreprise et les intégrer dans sa stratégie. C’est aussi une personne qui pense de manière holistique, en intégrant l’intérêt général. Cela suppose notamment une bonne culture RSE, afin de poser les bonnes questions sur les implications sociales, sociétales et environnementales au moment de prendre les décisions, de lancer un produit…
Novethic : Et pourtant, votre livre montre qu’aujourd’hui, cette jeune génération n’est pas formée à devenir ce manager responsable…
Sandrine L’Herminier : L’éducation nationale est très en retard sur la prise en compte de la dimension RSE dans son enseignement. Or cela doit commencer dès la maternelle, avec les éco-gestes. Ensuite, à l’université ou dans les grandes écoles, la RSE est peu ou mal abordée. Elle fait souvent l’objet de cours spécifiques, alors que l’enseignement doit être transversal.
Dans une école de management par exemple, il est nécessaire que sur les problématiques des ressources humaines, on aborde la question de la diversité, du bien–être au travail, de la délocalisation responsable. En stratégie, les étudiants doivent pouvoir travailler sur l’économie collaborative, l’économie sociale et solidaire ; en finance, sur l’investissement socialement responsable et la finance solidaire ; dans le marketing sur les produits bio, etc. Certaines écoles prennent cela en compte, mais force est de constater que les “business school” restent encore très orientés “profit business”, avec en ligne de mire la compétitivité, la concurrence, la mondialisation, sans trop se préoccuper des nouveaux défis de l’entreprise, qui se doit pourtant d’être de plus en plus sociétale.
Novethic : Quels sont les bons élèves et les pistes qui vous semblent intéressantes à suivre, pour mieux adapter au moins l’enseignement supérieur à ces nouveaux défis ?
Sandrine L’Herminier : Globalement, les grandes écoles et universités doivent décloisonner les cursus, s’ouvrir encore davantage sur la société, mettre de la RSE et de l’éthique dans tous les cours. Cela passe aussi par une plus grande mise en pratique. C’est notamment ce que propose le réseau Enactus, qui aide les étudiants à développer des programmes d’entreprenariat social sur les campus. Des écoles de commerce telles que la Kedge business School et Audencia travaillent aussi dans une perspective holistique, avec la mise en place de chaires, ce qui permet d’impliquer les professeurs. Cela paye : Audencia explique qu’elle attire les meilleurs professeurs grâce à sa démarche RSE qui infuse dans tous ses programmes !
Et la compétition internationale entre écoles de commerce va accélérer le processus. Le label EQUIS par exemple, la troisième accréditation la plus recherchée par les écoles de management, se positionne clairement sur la RSE depuis 2013. Son chapitre “Ethics responsibility and sustainability” passe au crible la qualité de la recherche, la gouvernance, ainsi que la formation des élèves et professeurs en la matière.
Une autre initiative me paraît intéressante : celle d’une sorte de TOEFL du développement durable (The sustainability literacy test) mis en place par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) et le PNUE (celui pour l’environnement) à la suite de la conférence de Rio+20 en 2012. Il faudrait faire passer ce test, une sorte de QCM chargé d’évaluer vos compétences en développement durable, à l’entrée et à la sortie de toutes les écoles. Et puis des entreprises aussi.
Novethic : Où en sont les autres écoles, celles pour les ingénieurs par exemple, ou les universités ?
Sandrine L’Herminier : Les écoles d’ingénieurs sont plutôt actives. D’ailleurs, la Commission des Titres d’Ingénieurs a intégré l’an dernier le Plan Vert (un plan environnemental, social et sociétal que doivent mettre en place tous les établissements de l’enseignement supérieur français) comme critère stratégique obligatoire pour l’habilitation des écoles à délivrer le diplôme d’ingénieur. Tous les établissements relevant de la CTI sont donc priés de mettre en place une démarche RSE intégrée et globale, y compris dans les cursus et programmes pédagogiques.
En revanche, les universités restent largement à la traîne. Les initiatives y sont souvent ponctuelles, souvent inégales aussi, en fonction de l’implication ou non des dirigeants (voir le rapport de l’observatoire de la Responsabilité sociétale des universités). Un gros travail est aussi à mener dans le cursus des études courtes comme les BTS.
Novethic : Les entreprises ont aussi des chartes éthiques, des codes de conduite… Le manager ne peut-il pas se responsabiliser une fois en poste ?
Sandrine L’Herminier : L’entreprise reste peu éduquée à la RSE. Elle l’aborde d’ailleurs souvent davantage par le côté règlementaire que par une réelle implication. Les chartes éthiques, les codes de conduite, etc sont importants bien sûr. Mais ces documents ne servent pas à grand chose si tous les managers, et même au-delà tous les collaborateurs, n’ont pas la culture RSE nécessaire pour comprendre les enjeux et mettre une stratégie globale en pratique…
[1] “Tu seras manager responsable mon fils”, éditions Yves Michel, collection Place Publique, février 2015.
Sandrine L’Herminier : Il n’existe pas de définition toute faite du manager responsable. Pour ma part, je considère qu’il s’agit d’un manager qui sait interagir avec son écosystème, qui sait dialoguer avec les parties prenantes de l’entreprise et les intégrer dans sa stratégie. C’est aussi une personne qui pense de manière holistique, en intégrant l’intérêt général. Cela suppose notamment une bonne culture RSE, afin de poser les bonnes questions sur les implications sociales, sociétales et environnementales au moment de prendre les décisions, de lancer un produit…
Novethic : Et pourtant, votre livre montre qu’aujourd’hui, cette jeune génération n’est pas formée à devenir ce manager responsable…
Sandrine L’Herminier : L’éducation nationale est très en retard sur la prise en compte de la dimension RSE dans son enseignement. Or cela doit commencer dès la maternelle, avec les éco-gestes. Ensuite, à l’université ou dans les grandes écoles, la RSE est peu ou mal abordée. Elle fait souvent l’objet de cours spécifiques, alors que l’enseignement doit être transversal.
Dans une école de management par exemple, il est nécessaire que sur les problématiques des ressources humaines, on aborde la question de la diversité, du bien–être au travail, de la délocalisation responsable. En stratégie, les étudiants doivent pouvoir travailler sur l’économie collaborative, l’économie sociale et solidaire ; en finance, sur l’investissement socialement responsable et la finance solidaire ; dans le marketing sur les produits bio, etc. Certaines écoles prennent cela en compte, mais force est de constater que les “business school” restent encore très orientés “profit business”, avec en ligne de mire la compétitivité, la concurrence, la mondialisation, sans trop se préoccuper des nouveaux défis de l’entreprise, qui se doit pourtant d’être de plus en plus sociétale.
Novethic : Quels sont les bons élèves et les pistes qui vous semblent intéressantes à suivre, pour mieux adapter au moins l’enseignement supérieur à ces nouveaux défis ?
Sandrine L’Herminier : Globalement, les grandes écoles et universités doivent décloisonner les cursus, s’ouvrir encore davantage sur la société, mettre de la RSE et de l’éthique dans tous les cours. Cela passe aussi par une plus grande mise en pratique. C’est notamment ce que propose le réseau Enactus, qui aide les étudiants à développer des programmes d’entreprenariat social sur les campus. Des écoles de commerce telles que la Kedge business School et Audencia travaillent aussi dans une perspective holistique, avec la mise en place de chaires, ce qui permet d’impliquer les professeurs. Cela paye : Audencia explique qu’elle attire les meilleurs professeurs grâce à sa démarche RSE qui infuse dans tous ses programmes !
Et la compétition internationale entre écoles de commerce va accélérer le processus. Le label EQUIS par exemple, la troisième accréditation la plus recherchée par les écoles de management, se positionne clairement sur la RSE depuis 2013. Son chapitre “Ethics responsibility and sustainability” passe au crible la qualité de la recherche, la gouvernance, ainsi que la formation des élèves et professeurs en la matière.
Une autre initiative me paraît intéressante : celle d’une sorte de TOEFL du développement durable (The sustainability literacy test) mis en place par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) et le PNUE (celui pour l’environnement) à la suite de la conférence de Rio+20 en 2012. Il faudrait faire passer ce test, une sorte de QCM chargé d’évaluer vos compétences en développement durable, à l’entrée et à la sortie de toutes les écoles. Et puis des entreprises aussi.
Novethic : Où en sont les autres écoles, celles pour les ingénieurs par exemple, ou les universités ?
Sandrine L’Herminier : Les écoles d’ingénieurs sont plutôt actives. D’ailleurs, la Commission des Titres d’Ingénieurs a intégré l’an dernier le Plan Vert (un plan environnemental, social et sociétal que doivent mettre en place tous les établissements de l’enseignement supérieur français) comme critère stratégique obligatoire pour l’habilitation des écoles à délivrer le diplôme d’ingénieur. Tous les établissements relevant de la CTI sont donc priés de mettre en place une démarche RSE intégrée et globale, y compris dans les cursus et programmes pédagogiques.
En revanche, les universités restent largement à la traîne. Les initiatives y sont souvent ponctuelles, souvent inégales aussi, en fonction de l’implication ou non des dirigeants (voir le rapport de l’observatoire de la Responsabilité sociétale des universités). Un gros travail est aussi à mener dans le cursus des études courtes comme les BTS.
Novethic : Les entreprises ont aussi des chartes éthiques, des codes de conduite… Le manager ne peut-il pas se responsabiliser une fois en poste ?
Sandrine L’Herminier : L’entreprise reste peu éduquée à la RSE. Elle l’aborde d’ailleurs souvent davantage par le côté règlementaire que par une réelle implication. Les chartes éthiques, les codes de conduite, etc sont importants bien sûr. Mais ces documents ne servent pas à grand chose si tous les managers, et même au-delà tous les collaborateurs, n’ont pas la culture RSE nécessaire pour comprendre les enjeux et mettre une stratégie globale en pratique…
[1] “Tu seras manager responsable mon fils”, éditions Yves Michel, collection Place Publique, février 2015.
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