48e Forum économique mondial Davos 2018
le Président de la République, Emmanuel Macron, était attendu au tournant…
Long discours centré sur la nécessité de la mondialisation non seulement économique mais aussi sociale, éducative, environnementale… avec un fort recours au privé; discours très chaleureusement accueilli par un public ayant, il est vrai, sans doute besoin de se réchauffer, et on ne peut plus conforme à ce genre de manifestation convenue , seul D.Trump a eu droit à quelques sifflets désobligeants, mais rien de surprenant à tout cela, nous sommes en effet en plein dans “La Société du Spectacle”, chère à Guy Debord.
La lecture de l’intégralité de la transcription du discours d’E. Macron fait apparaître une très nette orientation vers le monde de l’entrepreneur responsable socialement (RSE) et qui ose prendre des risques avec droit à l’erreur et baisse d’impôts; étroitement articulé au monde de la finance pour l’investissement et en veillant à ce que les plus-values puissent aussi profiter quelque peu aux salariés… C’est vite et partiellement dit de ma part, mais par intérêt personnel ce qui a surtout retenu mon attention est le passage suivant (souligné par mes soins) :
Et au-delà de ce que nous faisons dans nos pays, de ce qui est nécessaire à faire pour l’Europe, nous avons quand même à retrouver, me semble-t-il, une forme de cadre, de grammaire du bien commun. On a des biens communs et ces biens communs sont mondiaux aujourd’hui, c’est le développement économique durable, l’environnement, la santé, l’éducation, la sécurité et la cohésion sociale, les droits de l’homme, et ces bien communs on ne peut jamais décider d’y renoncer. Et on doit dans nos stratégies et nos approches réussir à les articuler et à créer les bons forums pour recréer parfois de la régulation sur ces biens communs de manière coopérative. Le défi est maintenant chez nous et la question est de savoir si on sait refonder un vrai contrat mondial et un vrai contrat qui n’est pas que celui des gouvernements. Je vous le dis très franchement, si la part de ce contrat n’est pas intégrée dans le modèle des investisseurs, dans le modèle des banques, dans le modèle des entrepreneurs, si chacune et chacun ne considère pas qu’il a une part de ce contrat mondial à porter ça ne marchera pas parce qu’il y aura toujours quelqu’un qui sera tenté d’avoir une stratégie non coopérative, parce qu’il y aura en quelque sorte toujours une prime au free-riding (?). Et l’ennemi du bien commun c’est le passager clandestin et aujourd’hui nous sommes en train de tomber dans une situation où dans notre mondialisation une majorité de puissances sont en train de devenir des passagers clandestins des biens communs, c’est ça la situation que nous vivons aujourd’hui »
Dans cette approche E. Macron part du principe que les biens communs qu’il cite préexistent, que cela va de soi naturellement. Or il suffit des les examiner un par un pour se rendre compte que c’est loin d’être le cas de par le monde et qu’il s’agit plus d’une déclaration incantatoire d’intentions, fort louables peut-être, mais très loin de la réalité, un simple exemple pour l’illustrer : « Nous le répétons à nouveau : l’espace n’est pas un bien commun global (global commons), ce n’est pas le patrimoine commun de l’humanité, pas plus que ce n’est une res comunis ou un bien public. Ces concepts ne figurent pas dans le traité international sur l’espace et les États-Unis ont constamment répété que ces idées ne correspondent pas au statut juridique réel de l’espace. » ( Scott Page, directeur de l’Agence spatiale. Quartz, 19 déc. 2017). Ce qui permet aux grandes entreprises américaines d’envisager sereinement l’avenir de leurs ressources naturelles : « Après la ruée vers l’or du XIXe siècle, verra-t-on au XXIe la ruée vers les astéroïdes et leurs richesses minières ? Jeff Bezos, le patron d’Amazon, et Elon Musk, celui de Tesla, rivalisent en projets de fusées de nouvelle génération. » (Thierry Noisette, L’Obs Rue 89, 30 nov. 2015)
Par ailleurs, et c’est essentiel, l’eau, les terres arables, les forêts, l’espace planétaire, tout ce qui est fondamentalement vital, ne font pas partie des objectifs proposés par E. Macron.
Mon approche des (biens) communs, loin de n’être que la mienne, définit un processus conduisant à une construction sociale pour la gouvernance des ressources naturelles ou de la connaissance, et à l’initiative de collectifs privés ou (et) publics. Ce qui pose indubitablement la question du droit de propriété ( par exemple sur le foncier agricole, l’eau, le spatiale, la connaissance…) et du droit d’usage; dimension que les forums de Davos sont très loin d’aborder, mais ce qui semble assez logique puisqu’ils sont la quintessence d’une politique néo-libérale favorisant, on ne peut plus, la privatisation avec “enclosure” des ressources qu’elles soient matérielles ou immatérielles.
Manifestement le propos d’E.Macron a fait mouche dans l’opinion et pour l’instant on ne sait trop comment lui répondre : « On ne peut riposter à un discours que par un contre-discours, mais quels moyens avons-nous réellement de répondre et de nous faire entendre pour proposer une autre vision des Communs ? », note Lionel Maurel dans son commentaire. On peut aussi riposter par l’action, et il y en a beaucoup avec de multiples façons de faire dans tous les domaines; ce qui leur manque peut-être serait de leur donner un “sens commun” et d’en faire un récit audible et convaincant…
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