Eclairages sur la loi bancaire en débat, défendue par Karine Berger et le gouvernement
Je vous ai rassemblé quelques analyses sur ce projet de loi, par Frédéric LORDON et Gaël GIRAUD. Je trouve qu’ils éclairent bien le débat, en résumé qu’on est loin du compte, loin de notre sécurité de citoyens, et loin des promesses du candidat Hollande… Ce dernier serait-il trop bien entouré ? Y.M.
Un excellent papier de Frédéric Lordon dans le Monde Diplomatique, qui analyse la position de Karine Berger.
Puis plusieurs à la suite de Gaël GIRAUD très clairs, une synthèse :
Gaël Giraud : “Le projet de loi sur la régulation bancaire met le contribuable en danger” 2013 02 05 – dans La Vie
Après une note remarquée dans les milieux de la finance et contestée par Bercy, l’économiste et jésuite Gaël Giraud publie une nouvelle note sur la réforme bancaire. Avant l’examen de la loi à l’Assemblée, il revient sur ses motifs d’inquiétude et propose des pistes pour muscler le projet.
C’est dans un contexte houleux que vont débuter à l’Assemblée les discussions sur le projet de loi sur la régulation bancaire. La Commission des Finances s’apprête à étudier les amendements proposés par les députés pour muscler une réforme bancaire a minima, avant l’ouverture des débats dans l’hémicycle les 12 et 13 février.
Parmi les voix les plus critiques, celle de Gaël Giraud, écoministe et jésuite. Pour le normalien, docteur en mathématiques appliquées, chargé de recherches au CNRS, prix du meilleur jeune économiste 2009 pour son livre “Vingt propositions pour réformer le capitalisme”, le texte présenté par Bercy “cumule toutes les faiblesses des projets antérieurs sans hériter d’aucune qualité”.
Il “cumule toutes les faiblesses des projets antérieurs sans hériter d’aucune qualité”. La note de Gaël Giraud, économiste et jésuite, sur la loi bancaire avait fait grand bruit à Bercy. A tel point qu’une contre-note s’était mise à circuler pour réfuter les arguments de l’économiste qui vient donc de publier une deuxième note, en réponse à ses détracteurs.
Partisan d’une régulation plus stricte, il revient sur ses motifs d’inquiétude et propose des pistes pour muscler le projet de loi, alors que des amendements destinés à renforcer la loi doivent être étudiés demain en Commission des Finances avant d’être examinés les 12 et 13 à l’Assemblée.
> Lire la première note de Gaël Giraud
> Lire la réponse à sa note
> Lire la seconde note de Gaël Giraud
Quelles sont vos réticences à la réforme bancaire ?
Le président de la République François Hollande s’est engagé à séparer les banques, c’est-à-dire à séparer d’un côté les banques de dépôt et de crédits, celles du coin de la rue, avec celles qui ont des activités de marché risquées. C’est la proposition 7 de son programme et le projet de loi de séparation bancaire de Moscovici entend accomplir la promesse. En réalité le projet de loi ne sépare quasiment pas les activités de banques de crédit et de dépôt avec les activités des banques de marché.
Ce qui explique que les banques n’aient pas vraiment « peur » de ce projet…
Le PDG de la Société générale, Frédéric Oudéa, a reconnu le 30 janvier à l’Assemblée nationale que le projet de loi allait le contraindre à mettre dans une filiale 0,75% de ses activités. Autant dire que le projet de loi ne fait presque rien. Il prétend scinder alors qu’il ne scinde pas. En particulier, nous sommes très en retrait par rapport aux préconisations du rapport Liikanen. Par ailleurs, je suis gêné par un deuxième point : le testament bancaire que les banques doivent préparer pour le cas où elles seraient en faillite. Le projet de loi avec raison aborde le projet mais la manière dont il entend le résoudre me laisse circonspect.
Qu’est-ce qui pour vous pose problème dans le testament bancaire ?
Deux raisons. La première c’est que le projet de loi ne pose aucune règle sur le testament bancaire. Il fait tout reposer sur la responsabilité de la banque de France et du directeur général du Trésor. Ces deux personnes devront décider à elles seules ce que l’on fait d’une banque le jour où elle est en faillite. Or la Banque de France est la principale créancière des banques : elle a aujourd’hui une créance de 230 milliards d’euros sur les banques. Si vous lui demandez ce qu’elle préfère entre sauver la banque au risque d’endetter considérablement les contribuables français ou laisser la banque faire faillite, on voit tout de suite quelle réponse elle va donner.
Mais que devient le fonds de garantie des dépôts, qui sert à garantir les dépôts des Français ?
Le projet de loi prévoit de fusionner ce fonds avec un fonds de résolution prévu, lui, pour sauver les banques. Si tel est le cas, il est possible que la Banque de France et le Trésor décident d’utiliser l’argent destiné à garantir les dépôts pour sauver les banques et même les institutions financières non bancaires, c’est-à-dire des fonds spéculatifs, des fonds de capital-investissement, voire des chambres de compensation… La question est : sommes-nous d’accord pour que l’argent destiné à sauver les déposants serve à sauver des banques et des hedge funds ?
Vous voulez dire que le projet de loi met en danger les petits épargnants ?
Oui. Par ailleurs, il crée un parachute institutionnalisé pour les banques et les fonds spéculatifs. Si ce projet de loi passe, le contribuable les sauvera toujours, quoiqu’ils fassent.
Vous vous montrez critique envers les banques mixtes…
Les banques commerciales reçoivent des fonds de garantie de l’Etat pour sécuriser les dépôts. Pour les banques mixtes, qui sont à la fois banques commerciales et de marché, comme les 4 plus grosses banques en France, BNP Paribas, Société Générale, BPCE et Crédit Agricole, la garantie de l’Etat s’étend à toutes les activités de la banque. L’Etat français aujourd’hui garantit les activités de marché des grandes banques françaises. Est-ce normal ? Le projet de loi actuel ne permet pas de retirer la garantie de l’Etat aux activités de marché des banques.
Actuellement le projet prévoit de filialiser les activités qui ne sont pas utiles à l’économie… Certains observateurs indiquent que scinder les banques mixtes serait suicidaire. Peut-on échapper à la filialisation ?
Je le crois, oui. A mes yeux, la filialisation est une erreur et il faudrait mettre les activités dangereuses dans une banque indépendante. Mais sur ce point Bercy ne cèdera pas. Alors comment améliorer le projet existant ? On peut renégocier la partie des activités de marché qui est mise dans la filiale. Pour la Société générale, cela représente 0,75%, pour les autres 1 à 2%… On peut mettre toutes les activités de marché dans la filiale, sauf les activités de couverture, de protection, indispensables au fonctionnement d’une banque de dépôt et de crédit. Les députés ont les moyens de voter cet amendement. Au minimum, ils peuvent exiger que le projet français s’aligne sur Liikanen : que toutes les activités de “tenue de marché” et de trading pour compte propre soient fililalisées et que ladite filiale soit plus sérieusement cantonnée qu’elle ne l’est actuellement.
Comment éviter le conflit d’intérêt en cas de faillite d’une banque ?
En faisant entrer dans l’organe de résolution bancaire des représentants du Parlement et en retirant à la Banque de France et au Trésor la majorité des voix. Par ailleurs, il faut, selon moi, interdire la fusion du fonds de garantie des dépôts et du fonds de garantie des banques. Enfin, il ne faut pas que même le fonds de garantie des banques puisse être utilisé pour sauver des fonds spéculatif.
Vous êtes jésuite, comment voyez vous votre rôle de religieux dans le débat qui s’engage sur la réforme bancaire ?
Il me semble que cela fait partie de la mission de l’Eglise catholique de se faire entendre sur des sujets comme celui-ci qui, sous des apparences techniques, engagent l’avenir de tout un pays et de l’Europe. Le fait que je sois religieux me donne aussi une grande liberté de parole par rapport aux personnes engagées dans les institutions.
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