Billet de Denis CHEYSSOUX (France Inter)
CO2 10 janvier 2015 France Inter samedi 14h
Liberté égalité fraternité laïcité et libertaire
On est sec. Ou plutôt mouillés de larmes. Charlie, c’est l’anagramme de chialer. Vont- ils nous assécher ? Non. C’est l’eau de vie qui doit réhydrater la démocratie, la République, la liberté de penser, de caricaturer autrement, que l’on doit protéger et féconder.
Ils ont fusillé, voulu couper les ailes à un canard. Des feutres face aux kalachnikovs. Deux coups de crayon sont souvent plus efficaces que de longs discours. Vos assassins l’ont parfaitement compris. L’humour dans nos vies c’est dire autrement la vie. Un rire salutaire, libertaire, qui conduit à la réflexion, qui stimule la pensée. Hannah Arendt avait insisté sur ce point : « Penser est dangereux, mais ne pas penser est plus dangereux encore ». A nous de ne pas l’oublier. Il reste que sur le marché, la kalachnikov se trouve plus facilement que l’humour et le talent.
On attaque le fronton républicain et un média qui est l’autre nom de la démocratie. Sève absolue de l’état de droit, de la circulation de la pensée. Entre un gouvernement sans presse et une presse sans gouvernement, le Président américain Jefferson choisissait la presse sans gouvernement. – nous rappelait Cynthia Fleury chez K. Evin.
Ils sont morts assassinés parce qu’ils étaient libres.
Aucun pape, iman, athée, aucun dieu ou politique, aucune ligne bleue marine des Vosges, aucun cul triste de Zemmour, Houellebecq ne pouvaient les arrêter. Sur leur fronton était gravé : Libertaire, égalité, fraternité.
Ils sont morts assassinés parce qu’ils étaient libres. Restons debout, fermes, humains et nommons les choses, remontons aux causes.
Soyons dignes et à la hauteur : vivants, drôles, bêtes, talentueux, ouverts, généreux, amoureux, iconoclastes, contre tout tunnel idéologique. Et comme les petits soldats de l’an deux dépenaillés, levons nous en masse dimanche !
Soyons Charlie qui a tant relayé le message écologique de la vie face aux destructeurs méthodiques de la nature A CO2, nous n’oublions pas combien l’hebdo s’est investi dans les thématiques écologiques, bien avant qu’elles ne deviennent à la fois, les priorités d’aujourd’hui et les enjeux de demain. Les journalistes se sont improvisés lanceurs d’alertes alors que le terme n’était pas encore à la mode. Ils ont notamment ouvert les yeux de bien des gens sur les dangers du nucléaire ou les excès du consumérisme. Merci Fabrice Nicolino, blessé aux jambes, nous t’aiderons à te relever.
Achetez Charlie encadrez-le ! Pour dire à ces cons que ce qu’ils ont voulu tuer ne le sera pas. La liberté et la laïcité. Des valeurs fragiles.
Dans ces moments, saturés de violences et de fureurs humaines, de commentaires comme une avalanche de poudreuse …on prend conscience de l’importance infinie du babil et des acrobaties d’une mésange bleue accrochée au bout d’une branche givrée, décortiquant patiemment les chatons d’un boulot !
Et nous resterons sur la presque phrase de J. Brel « Quand on n’a que l’humour, à s’offrir en partage… »
Aussi voyez-vous, s’attaquer à un journal et finir dégommés dans une imprimerie, les deux assassins doivent penser que les lettres se sont vengées.
Denis Cheissoux
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