Affamés de terres : les petits producteurs nourrissent la planète – avec moins d'un quart de toutes les terres agricoles
Une alerte de l’association internationale GRAIN: à lire absolument !
Aujourd’hui, il est courant d’entendre dire que les petits producteurs produisent la majorité de l’alimentation mondiale. Mais combien d’entre nous se rendent compte qu’ils le font avec moins d’un quart de la superficie agricole mondiale, et que cette part, déjà maigre, se réduit comme peau de chagrin ? Si les petits producteurs continuent à perdre l’essence même de leur existence, le monde perdra sa capacité à se nourrir.
GRAIN a étudié les données en profondeur pour voir ce qui se passe réellement, et le message est limpide. Il est urgent de remettre les terres aux mains des petits producteurs et de placer la lutte pour la réforme agraire au cœur de la lutte pour de meilleurs systèmes alimentaires.
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Les gouvernements et les organismes internationaux vantent souvent le fait que les petits producteurs contrôlent la majeure partie des terres agricoles du monde. En inaugurant 2014 comme année internationale de l’agriculture familiale, José Graziano da Silva, directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a chanté les louanges des fermes familiales, mais à aucun moment, il n’a mentionné la nécessité d’une réforme agraire. Il a au contraire affirmé que les petites fermes géraient déjà la plupart des terres agricoles du monde1 — un chiffre énorme de 70 %, selon son équipe.2 Un autre rapport publié par différentes agences de l’ONU en 2008 a conclu que les petites fermes occupent 60 % des terres arables dans le monde.3 D’autres études sont arrivées à des conclusions similaires.4
Mais si la plupart des terres agricoles dans le monde sont aux mains des petits producteurs, alors pourquoi leurs organisations sont-elles si nombreuses à réclamer la redistribution des terres et la réforme agraire ? Parce que l’accès à la terre des populations rurales est attaqué de toutes parts. Du Honduras au Kenya, de la Palestine aux Philippines, les gens sont évincés de leurs fermes et de leurs villages. Ceux qui résistent sont emprisonnés ou tués. Grèves agraires généralisée en Colombie, manifestations des chefs communautaires à Madagascar, marches dans tout le pays par des sans-terre en Inde, occupations en Andalousie, la liste des actions et des luttes est longue. Ce qu’il faut retenir de tout cela, c’est que la possession des terres est de plus en plus concentrée aux mains des riches et des puissants, et non pas que les petits producteurs prospèrent.
En réalité, pour les populations rurales, les terres ne sont pas qu’un gagne-pain. Les terres et les territoires sont le fondement même de leur identité, leur paysage culturel et leur source de bien-être. Et pourtant, ces terres leur sont arrachées et elles se retrouvent détenues par un nombre de personnes de plus en plus réduit, le tout à un rythme alarmant.
Et puis, il y a l’envers du décor : l’alimentation. Tandis qu’on entend de plus en plus fréquemment que les petits producteurs produisent la majorité des aliments dans le monde, même s’ils sont en dehors des systèmes de marché, on nous répète aussi incessamment que le système alimentaire industriel, « plus efficace », est indispensable pour nourrir le monde. Dans le même temps, on nous dit que 80 % de ceux qui ont faim dans le monde vivent en zone rurale, beaucoup d’entre eux étant des agriculteurs ou des ouvriers agricoles sans terre.
Où est la logique dans tout cela ? Qu’est-ce qui est vrai et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Que mettons-nous en œuvre pour combattre ces déséquilibres ? Pour apporter des éléments de réponse à certaines de ces questions, GRAIN a décidé d’y regarder de plus près et de se pencher sur les faits.5 Nous avons essayé de déterminer quelle superficie détiennent réellement les petits producteurs et combien de nourriture ils produisent. 6
Les chiffres, et ce qu’ils nous disent
En étudiant les données, nous avons rencontré un grand nombre de difficultés. Les pays diffèrent dans leur définition des « petits producteurs ». Il n’y a pas de statistiques centralisées sur qui possède quoi, en termes fonciers. Il n’y a aucune base de données qui enregistre les quantités et la provenance des denrées alimentaires. Et différentes sources donnent des chiffres extrêmement variables quant à la quantité de terres agricoles disponibles dans chaque pays.
Pour recueillir et regrouper ces chiffres, nous avons utilisé, dans la mesure du possible, les statistiques officielles des bureaux nationaux de recensement agricole de chaque pays, que nous avons complétées par les sources FAOSTAT (base de données statistiques de la FAO), ainsi que par d’autres sources, de la FAO également, le cas échéant.
Pour avoir une idée de ce que représente statistiquement une « petite ferme », nous avons, en général, utilisé la définition fournie par chaque autorité nationale dans la mesure où les conditions des petites fermes peuvent varier considérablement d’un pays et d’une région à l’autre. Lorsque des définitions nationales n’étaient pas disponibles, nous avons utilisé les critères de la Banque mondiale.
Compte tenu de ces éléments, les données présentent des limites importantes et ceci est également vrai, par conséquent, pour la compilation et l’évaluation que nous en avons faites (Voir Annexe 1 pour une analyse plus approfondie des données). L’ensemble de données que nous avons produit est entièrement référencé et accessible en ligne ; il fait partie intégrante du présent rapport.7
Malgré les lacunes inhérentes à ces données, c’est avec assurance que nous pouvons tirer six conclusions principales :
- La grande majorité des fermes dans le monde aujourd’hui sont petites et se réduisent encore
- Les petites fermes sont actuellement contraintes d’occuper moins d’un quart des terres agricoles mondiales
- Nous perdons rapidement des fermes et des agriculteurs dans de nombreux endroits du monde, tandis que les grandes exploitations s’agrandissent
- Les petites fermes demeurent les principaux producteurs de denrées alimentaires dans le monde.
- Les petites fermes sont en général plus productives que les grandes
- La plupart des petits producteurs agricoles sont des femmes
Plusieurs de ces conclusions peuvent paraître évidentes, mais deux éléments nous ont frappés.
SUITE DE L’ARTICLE SUR LE SITE DE GRAIN
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