Et si on “déposait” nos tyrans indignes ?…
Je trouve cette prise de position assez délicieuse ! Et si nous l’imitions ?… Merci Denis DUPRE pour la référence ! YM
Les États généraux des Provinces-Unies du Pays-Bas :
À tous ceux qui ces présentes verront, ou orront lire, salut: Comme il est notoire à un chacun, qu’un prince du pays est établi de Dieu pour souverain et chef des sujets, pour les défendre et conserver de toutes injures, oppressions et violences : comme un pasteur est ordonné pour la défense et garde de ses brebis: et que les sujets ne sont pas créés de Dieu pour l’usage du prince; pour lui être obéissants en tout ce qu’il commande, fait que la chose soit pie ou impie, juste ou injuste, et le servir comme esclaves: Mais le prince est pour les sujets, sans lesquels il ne peut être prince, afin de gouverner selon droit et raison, les maintenir et aimer comme un père ses enfants, ou un pasteur ses brebis, qui met son corps et sa vie en danger pour les défendre et garantir. Et quand il ne le fait pas, mais qu’au lieu de défendre ses sujets, il cherche de les oppresser, et de leur ôter leurs privilèges, et anciennes coutumes, leur commander et s’en servir comme d’esclaves : Il ne doit pas être tenu pour prince, mais pour tyran. Et comme tel ses sujets, selon droit et raison, ne le peuvent plus reconnaître pour leur prince: Notamment quand cela se fait avec délibération et autorité des États du pays, mais on le peut abandonner, et en son lieu choisir un autre, sans se méprendre, pour chef et seigneur, qui les défende. Chose qui principalement a lieu, quand les sujets par humbles prières, requêtes, et remontrances, n’ont jamais su adoucir leur prince, ni le détourner de ses entreprises et desseins tyranniques. En sorte qu’il ne leur reste autre moyen que celui-là, pour conserver et défendre leur liberté ancienne, de leurs femmes, enfants, et postérité, pour lesquels, selon la loi de nature, ils sont obligés d’exposer vies et biens : Ainsi que pour semblables occasions, on a vu par diverses fois advenir en divers temps, dont les exemples sont assez connus. Ce qui principalement doit avoir lieu et place en ces pays : lesquels de tout temps ont été gouvernés, suivant le serment fait par leurs princes, quand ils ont été reçus, selon la teneur de leurs privilèges, et anciennes coutumes. Joint aussi que la plupart des dites Provinces ont toujours reçu leur prince à certaines conditions, et par contrats et accords jurés. Lesquels si le prince vient à violer, il est selon droit déchu de la souveraineté du pays.
Or est-il ainsi que le roi d’Espagne, après le trépas de feu de haute mémoire l’empereur Charles cinquième son père (de qui il avait reçu tous ces pays) oubliant les services que tant son dit père, que lui même avait reçu de ces pays, et des sujets d’iceux : par lesquels principalement le roi d’Espagne avait obtenu de si glorieuses et mémorables victoires contre ses ennemis, que son nom et sa puissance en étaient renommés et redoutés par tout le monde. Oubliant aussi les admonitions que Sa dite Majesté impériale lui avait par ci-devant faites au contraire: a donné audience, et a cru ceux du Conseil d’Espagne, qui étaient près de lui, et qui avaient conçu une haine secrète contre ces pays, et leur liberté, pour ce qu’ils n’y pouvaient avoir aucune charge pour y gouverner, ou y desservir les principaux États et offices, ainsi qu’ils font au royaume de Naples, Sicile, Milan, aux Indes, et autres pays, qui sont sous la puissance du roi. Étant aussi amorcés des richesses des dits Pays, desquelles la plus part d’entre eux avaient bonne connaissance. Ledit Conseil, ou aucuns des principaux d’icelui, ont par diverses fois remontré au roi, que pour sa réputation, et plus grande autorité de Sa Majesté, il valait mieux conquester de nouveau ces Pays-Bas, afin d’y pouvoir alors commander librement, et absolument (qui n’est autre chose que tyranniser à son plaisir) que de les gouverner sous telles conditions et restrictions, lesquelles, à la réception de la souveraineté des dits Pays, il avait juré d’observer. Dès lors le roi d’Espagne suivant ce Conseil a cherché tous moyens pour réduire ces Pays (en les dépouillant de leur ancienne liberté) en servitude, sous le gouvernement des Espagnols : ayant premièrement, sous prétexte de la religion, voulu mettre es principales et les plus puissantes villes de nouveaux évêques, les bénéficiant, et dotant de l’incorporation des plus riches abbayes, ajoutant à chaque évêque neuf chanoines pour être ses conseillers : dont les trois auraient particulièrement charge de l’Inquisition. Par cette incorporation, lesdits évêques (qui eussent peu être choisis, aussi bien d’étrangers, que de naturels du Pays) eussent eu le premier lieu, et la première voix és Assemblées des États des dits Pays, et eussent été ses créatures, toujours prêts à son commandement, et à sa dévotion. Et par l’adjonction des dits chanoines, il eut introduit l’Inquisition d’Espagne, laquelle de tout temps a été en ces Pays en aussi grand horreur, et autant odieuse, que l’extrême servitude, comme cela est notoire à un chacun. Tellement que Sa Majesté impériale l’ayant autrefois mise en avant aux Provinces-Unies avait désisté voyant les remontrances qu’on lui avait faites, de ne la plus proposer, montrant en cela la grande affection qu’il portait à ses sujets. Mais nonobstant les diverses remontrances faites au roi, tant par les Provinces et Villes particulières par écrit, que par quelques-uns des principaux seigneurs du pays, de bouche : nommément par le baron de Montigny, et par le comte d’Egmont, qui par le consentement de la duchesse de Parme alors régente de ces Pays, par l’avis du Conseil d’État, et de la Généralité, ont à ces fins été envoyés à diverses fois en Espagne. Et nonobstant aussi que le roi leur avait de bouche donné bon espoir, que suivant leur requête il y pourvoirait, si est ce toutefois que par lettres il a fait puis après tout le contraire : commandant bien expressément, et sur peine d’encourir son indignation, de recevoir incontinent les nouveaux évêques, et de les mettre en possession de leurs évêchés et abbayes incorporées, de pratiquer l’Inquisition és lieux ou elle avait été auparavant ; d’obéir et d’en suivre les décrets et ordonnances du Concile de Trente, lesquels en divers points contrariaient aux privilèges du Pays. Ce qui étant venu à la connaissance de la Commune, a donné juste occasion d’un grand trouble entre eux, et a grandement diminué la bonne affection, laquelle (comme bons sujets) ils avaient de tout temps portée au roi, et à ses prédécesseurs. Notamment voyant qu’il ne cherchait pas seulement de tyranniser sur leurs personnes et biens : mais aussi sur leurs consciences, desquelles ils n’entendaient être responsables, ou tenus de rendre compte qu’à Dieu seul. À cette occasion, et pour la pitié qu’ils avaient du pauvre peuple, les principaux de la noblesse du Pays, exhibèrent l’an 1566 certaine remontrance par forme de requête : suppliants par icelle, pour apaiser la Commune et éviter tous troubles et séditions qu’il plut à Sa Majesté (montrant l’amour et l’affection, que comme prince bénin et clément il portait à ses sujets) de modérer lesdits points, et notamment ceux qui concernaient la rigoureuse Inquisition et supplice, pour le fait de la religion. Et pour faire entendre le même plus particulièrement au roi, et avec plus d’autorité, et lui remontrer combien il était nécessaire pour le bien et la prospérité du Pays, et pour le maintenir en repos et tranquillité, d’ôter les susdites nouveautés, et modérer la rigueur de la contravention des placards, publiés sur le fait de la religion : le Marquis de Berghe, et le susdit baron de Montigny ont été envoyés à la requête de ladite dame régente, du Conseil d’État, et des États généraux de tous les Pays, comme ambassadeurs, vers Espagne. Là ou le roi, au lieu de leur donner audience, et de pourvoir aux inconvénients qu’on lui avait proposés (lesquels, pour n’y avoir remédié en temps, comme l’urgente nécessité le requérait, s’étaient déjà en effet commencé à découvrir par tout le Pays, parmi la Commune) il a fait déclarer par la persuasion et incitation du Conseil d’Espagne, pour rebelles et coupables de crime de lèse majesté, tous ceux qui avaient fait ladite remontrance, et punissables en leurs corps et biens. Et outre ce, (pensant être totalement assuré des dits Pays, et les avoir réduits sous sa pleine puissance et tyrannie par les forces et violences du duc d’Alve, il a puis après fait emprisonner et mourir lesdits seigneurs ambassadeurs, et fait confisquer tous leurs biens et ce contre tous droits des gens, de tout temps inviolablement observés, mêmes entre les plus barbares, et cruelles nations, et entre les princes les plus tyranniques. Et nonobstant que tout le susdit trouble, survenu l’an 1566 à l’occasion susdite, eut été quasi assoupi par la régente et ses adhérents, et que plusieurs de ceux qui défendaient la liberté de ces Pays eussent été les uns chassés, les autres oppressés et subjugués, en telle sorte que le roi n’avait nulle occasion du monde d’oppresser encore ces Pays par armes et d’user de violences : Si est-ce que pour les causes, que le Conseil d’Espagne avait long temps cherchées et attendues (ainsi que les lettres interceptées de l’ambassadeur d’Espagne Alana, étant en France, et écrites pour lors à la duchesse de Parme le montrent clairement) et afin d’anéantir tous les privilèges des Pays, et de les pouvoir gouverner tyranniquement à leur plaisir, comme és Indes et nouveaux pays conquis, il a par l’induction et conseil des Espagnols (montrant le peu d’affection qu’il portait à ses sujets au contraire de ce que, comme leur prince, protecteur et bon pasteur, il était tenu de faire) envoyé, pour oppresser ces Pays, le duc d’Alve avec une puissante armée, lequel est tenu, pour son inhumanité et cruauté, pour l’un des principaux ennemis du Pays, accompagné de conseillers, de pareille nature et humeur que lui. Et combien qu’il vint és Pays sans aucune opposition, et qu’il y fut reçu des pauvres sujets avec tout respect et honneur, comme ceux qui n’attendaient que toute débonnaireté et clémence, ainsi que le roi leur avait souvent écrit feintement : et qu’il était même d’intention d’y venir en personne, pour mettre ordre à tout, au contentement d’un chacun, ayant aussi à cette fin fait préparer, du temps du partement du duc d’Alve, une flotte de navires en Espagne pour l’amener, et une en Zélande pour aller au devant de lui, aux grands frais et dépens des Pays : pour tant mieux abuser ses sujets, et les attirer en ses filets. Ce néanmoins le susdit duc d’Alve déclara incontinent après sa venue, lui qui n’était qu’un étranger, et nullement du sang royal, qu’il avait commission du roi, de grand capitaine, et peu de temps après, de gouverneur général des Pays, contre les privilèges et coutumes anciennes des dits Pays. Et en manifestant assez son dessein, il mit incontinent des garnisons és principales villes et châteaux, et fit dresser des châteaux et forteresses és principales et plus puissantes villes, pour les tenir en sujétion : et manda fort amiablement par charge du roi les principaux seigneurs, sous prétexte d’avoir à faire de leur conseil, et de les vouloir employer au service du Pays, et fit prendre prisonniers ceux qui avaient ajouté foi à ses lettres, et les fit mener contre les privilèges hors de Brabant, où ils étaient prisonniers, en faisant faire leur procès devant lui, qui n’était pas leur juge compétent ; et enfin, sans les ouïr pleinement en leurs défenses, il les a adjugés à la mort, et fait publiquement et scandaleusement mettre à mort. Les autres, qui connaissaient mieux la feintise des Espagnols, se tenant hors du Pays, il les a déclarés d’avoir perdu corps et biens, et comme tels s’est saisi de leurs biens, et les a confisqués, afin que les pauvres sujets ne se pussent aider de leurs forteresses, ou des princes qui eussent voulu défendre leur liberté contre la violence du pape. Outre encore une infinité d’autres gentilshommes, et notables bourgeois, desquels il a fait mourir les uns, et chassé les autres, afin de pouvoir confisquer leurs biens. Travaillant le reste des bons habitants, outre l’oppression qu’ils souffraient en leurs femmes, enfants et biens par les soldats espagnols logés en leurs maisons, tant par diverses contributions, et en les contraignant de lever de l’argent pour bâtir les nouveaux châteaux et fortifications des villes à leur propre ruine, qu’avec la levée du centième, et vingtième et dixième denier, pour le payement des soldats, tant ceux qu’ils avaient amenés, que ceux qu’il levait en ces Pays, pour les employer contre leurs compatriotes, et contre ceux qui s’exposaient au danger de leur vie, pour défendre la liberté du Pays. Afin que les sujets étant appauvris, il ne leur restât aucun moyen du monde pour empêcher son dessein et de pouvoir d’autant mieux effectuer l’instruction qui lui avait été donnée en Espagne, de traiter le Pays, comme ayant été nouvellement conquis. Et à cette fin il a aussi commencé à changer l’ordre de la justice, à la manière d’ Espagne, directement contre les privilèges des Pays, et à dresser de nouveaux Conseils, et enfin, pensant qu’il n’y avait plus rien à craindre pour lui, il voulut par force introduire une imposition du dixième denier sur les marchandises et manufactures, à la totale ruine du Pays, duquel le bien et la prospérité consiste du tout es dites marchandises et manufactures, nonobstant une infinité de remontrances faites au contraire tant par chaque province en particulier, que par toutes les Provinces en général. Ce qu’il eut aussi effectué par force, n’eut été que par le moyen de Monseigneur le prince d’Orange et divers gentilshommes, et autres bons habitants bannis par ledit duc d’Alve, qui suivaient le susdit prince, et étaient pour la plus part en son service, avec autres habitants affectionnés à la liberté de leur patrie les Provinces de Hollande et Zélande ne se fussent bien tôt après révoltées pour la plus part, et mises sous la protection dudit seigneur prince, contre lesquelles deux Provinces, ledit duc d’Alve durant son gouvernement, et après lui le grand commandeur, (que le roi avait envoyé en ces Pays, non pour remédier aux maux, mais pour suivre le même pied de tyrannie, par des moyens plus couverts, et plus cauteleusement) ont contraint les Provinces, qui par leurs garnisons et citadelles étaient réduites sous le joug Espagnol, d’employer leurs personnes, et tous leurs moyens, pour aider à les subjuguer, n’épargnant cependant non plus lesdites Provinces, qu’ils employaient pour leur assistance, que si elles eussent été elles mêmes ennemies, permettant aux Espagnols, sous ombre d’être mutinés, d’entrer par force en la Ville d’Anvers, à la vu du grand commandeur, et d’y séjourner l’espace de six semaines, vivants à leur discrétion aux dépens et à la charge des bourgeois, et en outre les contraignant (pour être déchargés de la violence des Espagnols) de fournir la somme de quatre cens mille florins, pour le payement de la solde qu’ils demandaient. Après cela lesdits soldats, (prenants par la connivence de leurs chefs d’autant plus de hardiesse) se sont avancés à prendre ouvertement les armes contre lesdits Pays, tâchant premièrement de prendre là Ville de Bruxelles pour y faire le nid de leurs rapines, au lieu que c’était le lieu ordinaire de la résidence des princes du Pays. Cela ne leur succédant pas, ils prindrent la Ville d’Alost par force et après cela ils surprindrent et forcèrent la Ville de Maestricht, et la susdite Ville d’Anvers, laquelle ils saccagèrent, pillèrent et brûlèrent, massacrèrent, et traitèrent de telle façon les habitants, que les plus barbares et cruels ennemis n’en eussent point peu faire d’avantage, au dommage indicible, non-seulement des pauvres habitants, mais aussi quasi de toutes les nations du monde, qui y avaient leurs marchandises et argent. Et combien que lesdits Espagnols eussent été déclarés et publiés par le Conseil d’État (auquel le roi après la mort du grand commandeur, avait conféré le gouvernement général du Pays) en présence de Jérôme de Rhoda, pour ennemis du Pays, à cause de leurs outrages et violences : Si-est ce que ledit Rhoda de son autorité privée ou (comme il est à présumer) en vertu de certaine secrète instruction qu’il pouvait avoir d’Espagne, entreprit d’être chef des dits Espagnols et de leurs adhérents, et de se servir, (sans respecter le susdit Conseil d’État) du nom, et de l’autorité du roi, de contrefaire son seau, et de se comporter ouvertement, comme gouverneur y lieutenant du roi. Ce qui donna occasion aux États, de s’accorder au même temps avec le susdit seigneur le prince d’Orange, et les États de Hollande et Zélande: lequel accord fut approuvé et trouvé bon, par ledit Conseil d’État (comme gouverneurs légitimes du Pays) pour par ensemble et unanimement faire la guerre aux Espagnols, ennemis communs de la patrie, et les chasser hors du Pays. Sans toutefois omettre entre tandis, comme bons sujets, de pourchasser et requérir en toute diligence par diverses humbles requêtes, faites au roi et tous autres moyens convenables et possibles, qu’il voulut, en ayant égard aux troubles, et inconvénients déjà survenus en ce Pays, qui étaient apparents d’arriver encore, faire partir ses Espagnols hors du Pays, et de punir ceux qui avaient été cause du saccagement et de la ruine de ses principales Villes et d’autres innombrables oppressions et violences, que les pauvres sujets avaient soufferts, pour la consolation de ceux, auxquels cela était arrivé, et pour servir d’exemple à d’autres. Cependant le roi, encore qu’il fit semblant de paroles, que cela était advenu contre son gré et contre sa volonté, et qu’il était d’intention d’en punir les auteurs, et que dorénavant il voulait avec toute débonnaireté et clémence, (comme un prince doit faire) pourvoir et donner ordre au repos du Pays, n’a pas seulement négligé d’en faire justice et punition mais au contraire il apparaissait assez par effet, que tout était arrivé avec son consentement, et délibération précédente du Conseil d’Espagne, ainsi qu’on a vu peu de temps après, par les lettres interceptées, écrites à Roda et aux autres capitaines (auteurs du susdit mal) par le roi même, par lesquelles il déclarait, que non seulement il approuvait le fait, mais mêmes les louait, et promettait de les récompenser, notamment le susdit Roda, comme lui ayant fait un singulier service, ce qu’aussi il a montré par effet à son retour en Espagne, à lui, et à tous les autres, qui ont été ministres de sa tyrannie en ces Pays. Il a aussi envoyé au même temps (pensant éblouir d’autant plus les yeux de ses sujets) son frère bâtard Don Jean d’Autriche pour gouverneur en ces Pays, comme étant de son sang. Lequel sous prétexte de trouver bon et d’approuver l’accord fait à Gand, de maintenir la promesse faite aux États, de faire sortir les Espagnols, de punir les auteurs des violences et désordres advenus en ces Pays, et de mettre ordre au repos public, et à la réintégration de leur ancienne liberté, tâchait de séparer lesdits États, et de subjuguer un Pays devant, et l’autre après, ainsi que cela fut découvert peu de temps, après, par la providence de Dieu, (ennemi de toute tyrannie) par certaines lettres interceptées, par lesquelles il apparaissait qu’il avait charge du roi, de se régler selon l’instruction que Rhoda lui en donnerait : et pour mieux couvrir cette fraude, il défendait qu’ils n’eussent point à s’entrevoir, et à parler l’un à l’autre, mais qu’il eut à se comporter amiablement avec les principaux seigneurs, afin de les gagner, jusques à ce que par leur moyen et assistance, il put avoir la Hollande et la Zélande sous sa puissance, afin de faire puis après à sa volonté des autres Provinces. Sur quoi aussi Don Jean, nonobstant qu’il eut solennellement juré et promis, en présence de tous les États susdits, d’entretenir la pacification de Gand, et certain accord fait entre lui et les États de toutes les Provinces, chercher tout au contraire tous moyens de gagner par des grandes promesses et par le moyen de leurs colonels, lesquels il avait déjà à sa dévotion, les soldats allemands, qui pour lors étaient en garnison és principales forteresses et villes, et par telles pratiques s’en rendre maître: comme il en avait déjà gagné la plupart, et les tenait comme affectionnées à son parti: Afin de pouvoir par ce moyen contraindre et forcer par effet, ceux qui ne se voudraient joindre à lui, pour l’aider à faire la guerre au susdit prince, et à ceux de Hollande et Zélande, et ainsi susciter une guerre plus cruelle et sanglante, qu’auparavant. Mais comme les choses lesquelles se traitent par feintise, et contre l’intention qu’on montre extérieurement, ne peuvent pas longtemps demeurer cachées, ce dessein ayant été découvert, devant que de pouvoir pleinement effectuer son intention, il ne put pas effectuer ce qu’il avait promis, mais au contraire il suscita au lieu de la paix de laquelle il se vantait à sa venue, une nouvelle guerre laquelle dure encore jusques à présent. Toutes lesquelles choses nous ont donné plus que suffisante occasion, pour abandonner le roi d’Espagne, et rechercher un autre puissant et débonnaire prince, pour aider à défendre ces Pays et les prendre en sa protection. Et ce d’autant plus que ces dits Pays ont déjà été abandonnés de leur roi en tels désordres et oppressions, plus de vingt ans, durant lequel temps il a traité les habitants non comme sujets, mais comme ennemis, leur propre seigneur s’efforçant de les subjuguer par force d’armes.
Ayant aussi, après le trépas de Don Jean, assez déclaré par le baron de Selles, sous prétexte de proposer et mettre en avant quelque bon moyen d’accord, qu’il ne voulait point avouer la pacification de Gand: laquelle toutefois Don Jean avait jurée en son nom de maintenir, mettant ainsi journellement de plus difficiles conditions en avant. Et ce nonobstant nous n’avons pas voulu laisser de requérir incessamment, par humbles remontrances par écrit, et par l’intercession des principaux princes de la chrétienté, de nous pouvoir réconcilier et accorder avec le roi. Ayant aussi eu dernièrement bien longtemps nos députés à Coulongne, espérant d’y obtenir, par l’intercession de Sa Majesté impériale, et des Électeurs, qui s’y sont employés, une bonne et assurée paix, avec quelque gracieuse et modérée liberté, notamment touchant la religion (laquelle concerne principalement Dieu et les consciences.) Mais nous avons enfin trouvé par expérience, que nous ne pouvions rien obtenir du roi, par lesdites remontrances et traités : mais que lesdits traités et communications n’étaient mises en avant, et ne servaient que pour mettre les Provinces en discorde, et les faire séparer les unes des autres, pour d’autant plus commodément subjuguer l’une après l’autre, et exécuter leur premier dessein en toute rigueur contre elles. Ce qui depuis est clairement apparu par certain placard de proscription que le roi a fait publier, par lequel, nous et tous les officiers et habitants des Provinces-Unies, tous ceux qui suivent leur parti sont déclarés pour rebelles, et d’avoir comme tels perdu corps et biens, afin de nous réduire par ce moyen au désespoir, nous rendre par tout odieux, et empêcher le trafic et le commerce, promettant en outre de donner une grande somme de deniers à celui qui tuerait le susdit prince. Tellement que désespérant totalement de tous moyens de réconciliation, et nous trouvant destitués de tout autre remède et secours: nous, suivant la loi de nature, pour la tuition et défense de nous et des autres habitants, de nos droits, privilèges, anciennes coutumes et libertés de nôtre patrie, de la vie et de l’honneur de nos femmes, enfants et successeurs, afin qu’ils ne vinssent à tomber en la servitude des Espagnols, avons été contraints, en quittant à bon droit le roi d’Espagne, de chercher et pratiquer quelques autres moyens, lesquels nous avons trouvé être les plus expédients, pour nôtre plus grande sureté, et conservation de nos droits, privilèges et franchises susdites.
SAVOIR FAISONS, que considéré ce que dessus, et l’extrême nécessité nous pressant, comme a été dit, nous avons, par commun accord, délibération et consentement, déclaré et déclarons par cette le roi d’Espagne déchu, ipso jure, de sa souveraineté, droit et héritage de ces Pays, et que nous ne sommes plus d’intention de le reconnaitre en aucunes choses lesquelles touchent le prince, sa souveraineté, juridiction, ou les domaines de ces Pays-Bas, et de ne nous servir plus de son nom comme souverain, ou permettre qu’aucun s’en serve. Suivant quoi nous déclarons aussi tous officiers, justiciers, seigneurs particuliers, vassaux, et tous autres habitants de ces Pays, de quelque condition ou qualité qu’ils soient, être dorénavant déchargés du serment qu’ils ont fait, en quelque manière que ce soit, au roi d’Espagne, comme ayant été seigneur de ces Pays, et de ce dont ils pourraient être obligés à lui. Et d’autant que pour les causes susdites la plupart des Provinces-Unies se sont soumises, par commun accord et consentement de leurs membres, sous la seigneurie et gouvernement de l’illustre prince et duc d’Anjou, sous certaines conditions et points accordés y arrêtés avec son altesse. Et que le sérénissime archiduc Matthias a résigné en nos mains le gouvernement général de ces Pays, lequel a été accepté par nous: Nous ordonnons et commandons à tous justiciers, officiers, et à tous autres, auxquels cela peut aucunement toucher, qu’ils aient à quitter dorénavant et ne se servir plus du nom, du titre, du grand et petit seau, du contre-seau, et des cachets du roi d’Espagne : Et qu’au lieu d’iceux, tandis que Monseigneur le duc d’Anjou, pour des urgents affaires, concernant le bien et la prospérité de ces Pays, est encore absent, (pour ce qui touche les Provinces ayant contracté avec son altesse) ou autrement, ils prendront par manière de provision, et se serviront du titre, et du nom du chef et Conseil du Pays. Et entre tandis que ledit chef et conseillers ne seront pleinement et de fait dénommés, convoqués, et établis en l’exercice de leur état, ils se serviront de nôtre nom. Réservé qu’en Hollande et Zélande on se servira du nom de Monseigneur le prince d’Orange, et des États d’icelles Provinces, jusques à ce que le Conseil susdit sera réellement établi, et lors ils se règleront selon les accords, et le contrat fait avec son altesse. Et au lieu des susdits seaux du roi, on se servira dorénavant de nôtre grand seau, contre-seau et cachets, és affaires qui touchent le gouvernement général, à quoi le Conseil du Pays, suivant leur instruction, sera autorisé. Et és affaires qui touchent la police, l’administration de la justice et autres faits particuliers en chaque Province : le Conseil provincial, et les autres Conseils du Pays se serviront respectivement du nom, du titre, et du seau, de ladite Province où le cas se présentera, et non d’autre : le tout sur peine de nullité des lettres, documents, ou dépêches, faites ou sellées autrement que dessus. Et pour accomplir et effectuer d’autant mieux, et plus assurément ce qui a été dit, nous avons ordonné et commandé, ordonnons et commandons par cette, que tous les seaux du roi d’Espagne, qui sont en ces Provinces-Unies, soient, incontinent après la publication de ces présentes, portés es mains des États de chaque Province respectivement, ou de ceux qui seront spécialement commis et autorisés par lesdits États, sur peine de correction arbitrale. Ordonnons et commandons en outre, que dorénavant on ne battra aucune monnaie ès dites Provinces-Unies, avec le nom, titre, ou armes du roi d’Espagne, mais seulement d’y mettre telle forme ou figure comme il sera ordonné, pour battre des nouvelles pièces d’or et d’argent, avec leurs quarts ou diminutions. Ordonnons et commandons semblablement au président, et autres seigneurs du Conseil privé, et à tous autres chanceliers, présidents et seigneurs du Conseil provincial, et à tous présidents, et premiers maîtres des comptes, et aux autres de toutes ces chambres des comptes, étant respectivement en ces dits Pays, et aussi à tous autres justiciers et officiers (comme les tenant dorénavant déchargés du serment qu’ils ont fait au roi d’Espagne, ensuivant la teneur de leurs commissions) qu’ils aient à faire ès mains des États du Pays, sous lequel ils ressortissent respectivement, ou de leurs commis, un nouveau serment, par lequel ils jurent de nous être fidèles contre le roi d’Espagne, et tous ses adhérents, le tout en suivant le formulaire, que les États généraux ont dressé là-dessus. Et on donnera aux dits conseillers justiciers, et Officiers, se tenant és Provinces ayant contracté avec ledit sérénissime duc d’Anjou, en nôtre nom, acte de continuation en leurs offices, et ce au lieu d’une nouvelle commission, contenant cassation de leur précédente, et ce par manière de provision, jusques à la venue de son altesse. Et aux conseillers, maîtres des comptes, justiciers, et officiers, se tenant és Provinces n’ayant point contracté avec sa dite altesse, nouvelle commission sous nôtre nom et seau. N’était toutefois que les impétrant de leur dite première commission fussent inculpés et convaincus d’avoir contrevenu aux privilèges du Pays, de s’être mal comportés, ou d’avoir fait quelque chose semblable. Mandons en outre au président, et gens du Conseil privé, au chancelier de la duché de Brabant, pareillement au chancelier de la duché de Gueldre, et Comté de Zutphen, au président et gens du Conseil de Hollande, aux receveurs ou grands officiers de Beoosterscheldt et Bewesterscheldt en Zélande, au président et Conseil de Frise, à l’Escoutete de Malines, au président et gens du Conseil d’Utrecht, et à tous autres justiciers et officiers auxquels ceci peut toucher, à leurs lieutenants et à chacun d’eux en particulier, à qui il appartiendra, qu’ils aient à faire publier cette nôtre ordonnance, par tous les ressorts de leur juridiction et ès lieux ou l’on a accoutumé de faire tels cris et publications, tellement que nul n’en puisse prétendre cause d’ignorance. Et qu’ils aient à faire entretenir et observer inviolablement et sans infraction, ladite ordonnance, contraignant à cela rigoureusement les contrevenants en la manière comme a été dit, sans aucun délai, ou dissimulation. Car nous l’avons ainsi trouvé expédient pour le bien du Pays. Et pour ce faire, et ce qui en dépend, nous vous donnons, et à un chacun à qui cela touche, plein pouvoir, autorité, et mandement spécial. En témoignage de quoi, nous avons ici fait apposer nôtre seau.
Donné à la Haye en nôtre Assemblée, le vingt et sixième de juillet 1581.
Sur le repli était écrit. Par Ordonnance des dits États, et signé,
J. de Asseliers.
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